Impôts en Suisse pour les étrangers : guide complet pour expatriés et frontaliers

Impôts en Suisse pour les étrangers : guide complet pour expatriés et frontaliers

Comprendre le système fiscal suisse : un patchwork à apprivoiser

La Suisse évoque souvent une carte postale économique : stabilité politique, qualité de vie, salaires élevés… et un système fiscal à trois niveaux qui a de quoi faire vaciller plus d’un expatrié mal préparé. Car, que vous soyez frontalier, expatrié ou nouvel arrivant, naviguer dans les méandres de la fiscalité helvétique demande un minimum d’orientation.

J’ai accompagné plusieurs clients français dans leur installation chez nos voisins helvètes ou dans la gestion de leur statut de frontalier, et si une chose revient systématiquement, c’est cette question : « Pourquoi est-ce si compliqué ? » La réponse tient en un mot : fédéralisme.

En Suisse, les impôts ne sont pas uniquement prélevés par l’État fédéral, mais aussi par les cantons (l’équivalent de nos régions… mais en version autonome) et les communes. Résultat ? Trois couches fiscales se superposent, avec des taux et des règles qui varient fortement d’un endroit à l’autre.

Avant de paniquer face à ce mille-feuille fiscal, rassurez-vous : il est tout à fait possible de s’y retrouver. À condition d’avoir la bonne carte en main.

Qui est concerné par la fiscalité suisse ?

En tant qu’étranger, votre situation fiscale va dépendre de votre statut en Suisse :

  • Frontalier : Vous résidez en France mais travaillez quotidiennement en Suisse. Votre imposition dépendra de votre canton d’emploi et des accords bilatéraux entre la France et la Suisse.
  • Résident fiscal suisse : Vous vivez en Suisse la majeure partie de l’année (plus de 183 jours) et êtes donc soumis au régime fiscal suisse. Cela peut être le cas si vous êtes expatrié, salarié en détachement ou venu vous installer durablement en Suisse.

Petit rappel utile : le domicile fiscal n’est pas toujours celui de votre résidence administrative. C’est celui où vous passez la majorité de votre temps, et où se situent vos intérêts économiques. Le fisc, lui, ne se laisse pas berner par une boîte aux lettres.

Les grands types d’impôt en Suisse

Si la fiscalité suisse paraît plus clémente que la française, elle repose néanmoins sur plusieurs piliers. Voici les principaux :

  • Impôt sur le revenu : Prélevé au niveau fédéral, cantonal et communal. Pour les étrangers sans permis de séjour permanent (permis C), c’est souvent le prélèvement à la source qui s’applique.
  • Impôt sur la fortune : Oui, vous avez bien lu. Il est calculé sur votre patrimoine net (biens immobiliers, placements, etc.). Une exception suisse par rapport à d’autres pays européens.
  • TVA : Relativement basse (7,7 % en 2024), mais s’applique sur la plupart des biens et services.
  • Droits de succession et de donation : Prélevés uniquement au niveau cantonal, avec des taux très variables. Certains cantons exonèrent totalement les héritiers directs, d’autres non.

Cette diversité implique que deux personnes gagnant le même salaire, mais résidant dans des cantons différents, peuvent payer des montants d’impôts radicalement différents. Un peu comme si quelqu’un à Marseille payait ses impôts en Bretagne… à Paris !

Zoom sur l’impôt à la source : une réalité pour beaucoup d’étrangers

Pour les étrangers sans permis C, c’est l’impôt à la source qui s’applique. Autrement dit, votre employeur retient directement l’impôt sur votre salaire brut chaque mois – une pratique qui rappelle le prélèvement à la source instauré en France depuis 2019.

La grande différence ? En Suisse, les barèmes sont cantonaux. Ainsi, à Genève, le taux retenu peut être plus élevé qu’à Zoug ou à Appenzell. De plus, le taux varie selon votre situation familiale (célibataire, marié, avec ou sans enfants à charge).

Bon à savoir : Il est possible de demander une rectification de l’impôt à la source en cas de charges particulières non prises en compte automatiquement (frais de garde, 3e pilier, études, etc.). Encore faut-il le savoir… et ne pas manquer la date limite (souvent au 31 mars de l’année suivante).

Le cas spécifique des frontaliers : entre deux fiscalités

Si vous vivez en France mais travaillez en Suisse, votre régime dépend de votre canton d’activité. Le cas genevois est emblématique :

  • Les frontaliers travaillant dans le canton de Genève paient l’impôt exclusivement en Suisse, à la source, selon les règles genevoises. Ensuite, ils déclarent ce revenu en France… mais bénéficient d’un crédit d’impôt égal à l’impôt français.
  • Dans les autres cantons comme Vaud ou Neuchâtel, les frontaliers paient leurs impôts en France, et non à la source en Suisse (à condition de rentrer en France au moins une fois par semaine !).

Un de mes anciens clients, François, ingénieur à Lausanne mais vivant à Annecy, s’est ainsi retrouvé à devoir régulariser deux années de malentendus fiscaux… simplement parce qu’il n’avait pas su qu’un simple aller-retour hebdomadaire changeait la donne.

L’accord bilatéral entre la France et la Suisse est en constante évolution. Il est donc impératif pour les frontaliers de rester informés – quitte à consulter ponctuellement un conseiller fiscal des deux côtés de la frontière.

La déclaration d’impôts pour les résidents fiscaux suisses

Lorsque vous devenez résident fiscal suisse (avec un permis C, ou marié à un citoyen suisse, etc.), vous basculez vers le régime « ordinaire » : plus de prélèvement à la source, mais une véritable déclaration fiscale à remplir chaque printemps.

Les éléments à déclarer sont nombreux :

  • Salaire et revenus d’activité
  • Revenus du capital : dividendes, intérêts, loyers
  • Biens immobiliers détenus en Suisse et à l’étranger
  • Fortune (comptes, actions, assurances-vie, bijoux, œuvres d’art…)
  • Déductions autorisées : frais de garde d’enfants, cotisations 3e pilier, frais de déplacement, intérêts de dettes, etc.

Chaque canton fournit son propre logiciel de déclaration (certains comme Vaud et Zurich sont plutôt intuitifs, d’autres… moins). L’administration reste néanmoins accessible et prête à guider les contribuables, un bon point au pays de la neutralité.

Optimisation fiscale en Suisse : ce qu’il ne faut pas ignorer

Contrairement à une idée reçue, la Suisse n’est pas un eldorado fiscal pour tous. Oui, les taux peuvent y être plus doux – mais cela ne signifie pas qu’on peut y faire n’importe quoi.

Cela dit, certaines pistes d’optimisation sont particulièrement intéressantes :

  • Le 3e pilier (prévoyance individuelle) : En versant chaque année un montant maximal (7’056 CHF en 2024 pour les salariés avec prévoyance LPP), vous réduisez d’autant votre revenu imposable. C’est un peu l’équivalent d’une assurance-vie déductible en France.
  • Dettes hypothécaires : Les intérêts d’un prêt immobilier sont déductibles de vos revenus. Un vrai levier pour ceux qui investissent via un crédit.
  • Statut de quasi-résident : Si plus de 90 % de vos revenus proviennent de Suisse alors que vous êtes fiscalement domicilié à l’étranger, vous pouvez bénéficier d’un statut qui permet d’accéder à certaines déductions réservées aux résidents.

Attention toutefois aux régularisations fiscales complexes si vous possédez des biens ou des revenus dans d’autres pays (notamment la France). Les services fiscaux suisses et français coopèrent désormais très activement.

Assurances sociales et cotisations : le pendant parfois oublié

Outre les impôts, vivre ou travailler en Suisse implique de s’affilier à divers régimes sociaux. Cela a un coût non négligeable, mais souvent sous-estimé par les nouveaux arrivants :

  • LAVS/AI/APG : Assurance vieillesse, invalidité et perte de gain, l’équivalent suisse de notre Sécurité sociale. Elle est prélevée à hauteur de 10,6 % environ sur votre salaire.
  • Assurance maladie (LAMal) : Contrairement à la France, elle est individuelle, privée… et obligatoire. Chaque adulte débourse en moyenne entre 300 et 600 CHF par mois (sans prise en charge directe par l’employeur).
  • 2e pilier (BVG) : Prévoyance professionnelle alimentée par l’employeur et le salarié. Elle peut représenter un levier intéressant pour une retraite confortable, mais varie selon les entreprises.

Ne pas intégrer ces charges dès le départ peut entraîner de grosses surprises sur votre reste à vivre. Avant un changement de statut ou une expatriation, je recommande de faire un budget complet intégrant impôts et cotisations sociales.

Et après ? Une fiscalité également à la sortie

Nombre d’expatriés ou frontaliers se projettent aussi sur le long terme : revente d’un bien local, retour en France pour la retraite, transmission de patrimoine… Que vous liquidiez un 3e pilier, récupériez des avoirs LPP ou transmettiez vos biens à vos enfants, la fiscalité suisse continue de s’appliquer.

Anticiper fait donc partie du jeu : certaines stratégies permettent de réduire très significativement la fiscalité au moment du départ, mais cela doit se planifier au moins 2 à 3 ans en avance. J’ai vu plusieurs clients perdre des milliers de francs simplement par manque de projection.

En résumé : la fiscalité suisse, un domaine où l’anticipation fait toute la différence

S’installer ou travailler en Suisse en tant qu’étranger est une aventure séduisante – à condition de bien comprendre les règles du jeu fiscal. Entre les variations cantonales, les particularités du statut de frontalier et les opportunités d’optimisation légales, votre fiscalité peut osciller du simple au double… pour un même niveau de vie.

En tant que conseiller en gestion de patrimoine, j’aime rappeler qu’un bon bilan fiscal en Suisse, ce n’est pas une histoire de chance : c’est une question d’information et d’anticipation. Alors si vous envisagez ce grand saut helvétique, n’hésitez pas à investir dans un peu de pédagogie. C’est souvent bien plus rentable qu’on ne le pense.