Le PEL, ce faux ami qu’on garde parfois trop longtemps
Ah, le Plan Épargne Logement. Ce bon vieux PEL, ouvert souvent sur les conseils bienveillants de nos parents ou de notre conseiller bancaire, trône dans nos portefeuilles comme une relique d’un autre temps. Mais au fond, combien de temps peut-on (ou doit-on) le garder avant de le clore ou de le transformer ? Et surtout, est-ce que cela vaut toujours le coup de le conserver ? Voici ce que vous devez impérativement savoir avant de le laisser dormir une décennie de plus.
Comprendre les bases : qu’est-ce qu’un PEL ?
Créé en 1969, le Plan Épargne Logement est un produit hybride, à cheval entre l’épargne réglementée et l’outil de financement immobilier. À la base, il vise à encourager l’épargne en vue de l’acquisition (ou de la construction) d’un logement, tout en offrant la possibilité d’obtenir un prêt bonifié.
Lorsque vous ouvrez un PEL, vous vous engagez à y effectuer des versements réguliers pour une durée minimale de 4 ans. En échange, vous bénéficiez :
- d’un taux de rémunération fixe garanti pendant toute la durée du plan ;
- de la possibilité d’obtenir, à terme, un prêt épargne logement à taux avantageux ;
- d’une prime d’État (pour les PEL ouverts avant 2018, et encore… nous y reviendrons).
Mais le PEL, comme le bon vin, ne se bonifie pas toujours avec le temps. À trop vouloir le garder « pour plus tard », on finit souvent par en oublier les limites. Et c’est là que les choses se corsent.
Durée maximale du PEL : 15 ans d’épargne, et après ?
Un PEL a une durée de vie strictement encadrée. Officiellement, il peut être conservé pendant 15 ans maximum. Pendant les 10 premières années, vous pouvez continuer à l’alimenter. Au-delà, les versements sont gelés — pas d’ajout possible — mais votre épargne continue à générer des intérêts jusqu’à la 15e année.
Passé ce délai de 15 ans, le plan est automatiquement transformé en compte sur livret classique. C’est la fin des caractéristiques avantageuses du PEL : le taux figé disparaît, et la rémunération est revue… sérieusement à la baisse.
À ce stade, nombreux sont ceux à découvrir avec stupeur que leur vieux PEL de 17 ans n’est en réalité plus qu’un livret lambda, l’illusion fiscale et contractuelle en prime.
Gardez votre PEL… mais pas trop longtemps !
Voici la vérité que peu osent formuler à la caisse d’épargne : conserver un PEL peut être judicieux, mais seulement dans certains cas bien précis. Tout dépend :
- du taux auquel il a été ouvert ;
- de vos projets personnels ou immobiliers ;
- de l’utilisation que vous envisagez pour ce capital ;
- de votre fiscalité personnelle.
Un exemple concret : Un client que j’ai accompagné l’an dernier détenait un PEL ouvert en 2000, rémunéré à 4,5 % brut. Une rareté aujourd’hui (le taux est passé à 2 % au 1er janvier 2024 pour les nouveaux PEL). Celui-là, on l’a gardé, religieusement. Ce type de plan reste imbattable, surtout en période d’inflation et de taux du marché à la baisse.
À l’inverse, un autre client possédait un PEL post-2016 à 1 %. Fiscalisé. Autant dire un livret A plus rigide… Dans cette situation, la fermeture n’était pas une trahison, mais un retour au bon sens financier.
Quand faut-il clore son PEL ?
On ne va pas tourner autour du pot : la règle d’or, c’est l’analyse du rendement net comparé aux alternatives. Voici les critères à examiner :
- Fiscalité : Depuis 2018, les intérêts des PEL sont soumis au prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30 %. Il faut donc moduler votre calcul en fonction.
- Liquidité : Le PEL est peu flexible. Retirer de l’argent = clôturer le plan. Si vous avez besoin de souplesse, préférez d’autres supports.
- Taux obtenu : Un PEL à 2,5 % brut ouvert avant 2016 (et exonéré d’impôt sur le revenu jusqu’à ses 12 ans) reste compétitif. En revanche, un plan à 1 % brut fiscalisé et bloqué sur 10 à 15 ans n’a que peu d’intérêt.
En pratique : vous pouvez clore le PEL à tout moment, mais avant 2 ans, ce n’est pas franchement optimal (il se transforme en simple CEL avec calcul rétroactif des intérêts, et perte de la prime d’État). Mieux vaut attendre au moins 4 ans, sauf raison de force majeure.
Et si vous avez un projet immo ?
Si vous envisagez un achat, garder votre PEL intact peut vous permettre de bénéficier d’un prêt épargne logement. Sauf que ce prêt, plafonné (92 000 € maximum) et souvent à un taux supérieur à ceux du marché, est aujourd’hui quasi obsolète.
Résultat ? Garder son PEL juste pour profiter du prêt immobilier n’est que rarement pertinent. À quelques exceptions près…
Anecdote personnelle : une jeune couple que j’ai conseillé récemment a réussi à financer une partie de sa résidence principale grâce à deux PEL ouverts par leurs parents en 2002. En cumulant les deux plans, ils ont obtenu un prêt à 2,9 %, là où le taux du marché avait dépassé les 4 %. Une belle opération, mais qui reste aujourd’hui l’exception plus que la règle.
Transformer son PEL : est-ce possible ?
Non, le PEL n’est pas « transformable » à proprement parler en un autre produit. En revanche, vous pouvez tout à fait :
- le clôturer et transférer les fonds sur un autre support (assurance-vie, PEA, livret, etc.) ;
- utiliser le capital pour des projets d’investissement plus rentables ;
- le faire fructifier intelligemment en tenant compte de votre horizon de placement.
Le mot clé ici, c’est arbitrage. Trop de Français laissent dormir plusieurs dizaines de milliers d’euros sur leur PEL, pensant agir avec sagesse. Or, dans un contexte économique mouvant et fiscalement plus exigeant, ne rien faire revient souvent à perdre de l’argent à petit feu.
Et si on l’envisageait autrement ?
Le PEL, en réalité, est un peu comme un vieux canapé hérité : confortable, familier… mais pas toujours adapté à notre salon actuel. Il est temps de le regarder non plus avec les yeux de nos parents, mais avec ceux d’un investisseur moderne.
Posez-vous la question suivante : Est-ce que je le garderais si je devais l’ouvrir aujourd’hui ?
Si la réponse est non, alors il y a fort à parier que vous pourriez faire mieux avec ces fonds. Une assurance-vie peu chargée en frais, un ETF diversifié sur un PEA ou même une SCPI pourraient faire beaucoup plus pour votre patrimoine.
Le mot de la fin
Un PEL peut être précieux, mais uniquement dans certaines configurations devenues rares. Trop souvent conservé par habitude ou par nostalgie bancaire, il mérite d’être examiné de près avec un œil critique. Savoir l’ouvrir c’est bien, mais savoir quand (et pourquoi) le fermer, c’est mieux.
Derrière chaque vieille enveloppe d’épargne se cache une opportunité de réallocation. Et croyez-moi, un coup de ménage dans vos placements peut parfois rapporter bien plus qu’un point de rémunération garanti.
Si vous avez un doute sur votre PEL actuel, n’hésitez pas à prendre quelques minutes pour comparer son rendement net à vos objectifs patrimoniaux. Vous verrez, parfois la meilleure stratégie… c’est de savoir tourner la page.